Page:Sainte-Beuve - Chateaubriand et son groupe littéraire sous l’Empire, tome 1.djvu/4

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être revêtues de la signature du roi Louis-Philippe, y avaient été saisies, et que mon nom s’y trouvait… s’y trouvait plusieurs fois… et pour une somme… pour des sommes assez considérables. Je me mis à rire d’abord ; mais voyant que M. Reynaud ne riait pas et qu’il faisait des appels réitérés à ma mémoire, je le pressai de questions à mon tour ; je lui demandai s’il avait vu la Liste où j’étais nommé, – la somme précise, – enfin toutes les circonstances d’un fait qui m’était si parfaitement inexplicable. Il ne put entrer dans aucun détail bien net, mais il m’assura que la chose était certaine, qu’il l’avait vérifiée de ses yeux ; et comme c’était son amitié qui s’en alarmait avant tout pour moi, je ne pus douter de la réalité de ce qu’il me disait.

Je crois que je convainquis d’abord, par la manière dont je lui répondis à l’instant, qu’il y avait là-dessous erreur ou fraude ; mais j’entrevis que d’autres auprès de lui, derrière lui, et qu’il ne me nommait pas, seraient moins aisément convaincus ; et, rentré chez moi, j’adressai au rédacteur du Journal des Débats, qui voulut bien l’insérer, une lettre de dénégation, un défi à la calomnie, sur un ton qui n’est naturel qu’aux honnêtes gens et à ceux qui se sentent sûrs d’eux-mêmes. Cette lettre, je le sus depuis, soulagea le cœur de M. Reynaud il eut la bonté de m’en remercier comme d’un service ; pour preuve qu’il en acceptait le sentiment et les termes, il la fit même insérer dans le Moniteur du 31 mars 1848. Je compris que c’était une arme que je lui avais fournie contre des dénonciateurs du dedans.

Cependant je n’étais point satisfait ; je voulus tirer au clair cette affaire ; je fis des démarches pour me procurer la Liste en question et pour m’assurer par mes yeux du