Page:Sainte-Beuve - Le Clou d’or, 1881.djvu/66

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aimé quelqu’un ; mais il n’y a en ce sentiment aucun espoir d’avenir pour moi, aucun rayon de bonheur. Les moments où ce bonheur aurait pu naître et charmer d’un long parfum l’avenir sont passés. Je n’ai plus de printemps : ce qu’ils me font éprouver de douloureux est impossible à dire. Le désir lui-même me devient une douleur insupportable ; j’aime mieux la tristesse unique, habituelle, m’y enfoncer et m’y abreuver.

Le moment approche où, moi qui n’ai aimé qu’une seule chose en la vie, me disant que c’en est fait à jamais, je ne pourrai plus prendre sur moi l’effort de sourire au monde, et j’entrerai, pour n’en plus sortir, dans la retraite la plus absolue et définitive.

Celle qui aurait pu m’en arracher et faire prévaloir en moi d’autres sentiments plus animés et plus heureux est séparée de moi par trop de convenances et de né-