Page:Sainte-Beuve - Le Clou d’or, 1881.djvu/93

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rent rapides ou leur semblent éternelles : j’entre seul, impassible, immuable, à travers les inattentifs : je fais le même nombre de pas, je tourne le même nombre de tours, je sors, j’ai tout réglé. « Ainsi la nature ! » me dis-je. Je me fais peur de moi, en sortant, dans ces moments-là.

Mais je ne veux point parler ici de l’extraordinaire, et le menu me va mieux. Je ne sais si l’habitude de l’horlogerie m’a rapetissé ou ralenti l’esprit, mais c’est surtout aux secrets rouages du cœur que je m’attache ; j’en ai en provision de toute espèce. Je me plais à croire que tant de grands mouvements au dehors viennent de peu, de très peu au dedans, qu’il y aurait de quoi faire rire le remonteur, s’il en était un, à voir la disproportion des effets apparents aux causes. J’en veux particulièrement et personnellement à l’amour : toutes les fois que je puis l’humilier tout bas dans ma pensée, je suis heu-