Page:Sainte-Beuve - Le Clou d’or, 1881.djvu/92

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Ils m’ont vu déjà cent fois sans me voir ; je viendrais chez eux tout un siècle qu’ils ne me connaîtraient pas davantage.

Il y a, dans cette partie de mon métier, des instants plus ou moins solennels, et je vous assure que j’en ressens l’impression et la poésie (comme on dirait), tout simple horloger que je suis. Je n’entre jamais dans les grandes salles publiques ou les galeries solitaires, dans les Bibliothèques ou les palais, pour y remonter l’antique horloge en sa boîte émaillée, sans un sentiment respectueux : j’ai en ce moment un peu du prêtre à l’autel. Même dans les maisons particulières, il est des jours où un contraste imprévu me saisit et me prête à l’instant un rôle auquel je ne m’attendais pas : les jours, par exemple, d’un mariage, d’une naissance ; la veille ou le lendemain d’une mort. Eux tous, ils sont occupés à leur joie ou à leur douleur, et les heures cou-