Page:Sainte-Beuve - Le Clou d’or, 1921.djvu/212

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Christel avait d’affreux moments, des moments durs, humiliés, amers ; la langueur et la rêverie premières étaient bien loin ; le souvenir de ce qu’elle était la reprenait et lui faisait monter le sang au front ; elle se demandait, en se relevant, pour qui donc elle se dévorait ainsi. Elle faisait appel dans sa détresse, oh ! non plus à ses goûts anciens, à ses gracieux, amours de jeune fille, à ses lectures chéries (tout cela était trop insuffisant et dès longtemps flétri pour elle), mais à des sentiments plus mâles et plus profonds, comme à des ressources désespérées, — à son culte de la patrie, par exemple. Elle se représentait son père, le drapeau sous lequel il avait combattu, le deuil de l’invasion ; elle excitait, elle provoquait en elle l’orgueil blessé des