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LETTRES

le plaisir que je prenais à vivre depuis quelques années dans ce cercle heureux où je rencontrais un charme, je pouvais, moi aussi, en venir à cette disposition rassasiée où le cœur se noie. Mais je ne serai point ingrat, quoi qu’il arrive, et le sort, en somme, ne m’aura point maltraité. Il m’aura traité bien mieux qu’un nombre infini de mes semblables qui valaient autant ou mieux que moi ; et j’aurai eu des journées qui, par leur distinction et leur douceur embellie, comptent plus à elles seules que bien des années vulgaires.

Je suis à vous, Princesse, d’un tendre et inviolable attachement.


CCXVI

Ce 11 août 1867.
Princesse,

Je me le reproche. Je n’aime à écrire que sur des faits particuliers, j’aime peu à remuer mes sentiments ; ils sont voilés, ils sont ternes et tristes. Depuis quelque temps, j’ai une singulière