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Page:Sainte-Beuve - Notice sur M. Littré, 1863.djvu/13

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sur m. littré.

tion de toute la semaine. Il croissait ainsi à côté de ses parents et de sa mère, très-libre et dominant avec simplicité parmi ses condisciples.

Ses succès de chaque fin d’année, de bons témoins me l’attestent, étaient prodigieux. En rhétorique, vétéran, il eut tous les prix du collége et plusieurs au concours : on fut tout surpris qu’il n’eût pas le prix d’honneur. Il revenait littéralement chargé et accablé de livres. La dernière année, le nombre des volumes obtenus en prix dépassait de beaucoup cent volumes.

Il n’était pas homme à plier sous le faix. Tel qu’on me le décrit à cet âge de première jeunesse, il n’était pas du tout pareil à ce savant d’une santé ferme encore, mais réduite, que nous avons sous les yeux : il jouissait d’une force de corps et d’une organisation herculéenne, héritée par lui de son père. Le premier aux exercices corporels comme à ceux de l’esprit, aux barres, à la natation, d’un jarret d’acier, d’un poignet de fer, il était capable de lever, à bras tendu, une chaise qui portait un camarade âgé de dix-neuf ans. Rien de gracieux, mais la force même. Cette force se détruisit par l’excès du travail intellectuel. Il passa du tempérament athlétique à ce tempérament diminué qui est le sien, moyennant une gastrite permanente qui ne lui dura pas moins de dix ans. Sa vigueur native, consumée ailleurs et transformée, s’est portée tout entière et s’est concentrée désormais dans les fibres seules du cerveau.

Il terminait ses classes en 1819. Il fit une année de mathématiques ; s’il eut un moment l’idée d’entrer à l’École polytechnique, il n’y donna pas suite. Un inci-