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Page:Sainte-Beuve - Notice sur M. Littré, 1863.djvu/17

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sur m. littré.

lontiers à n’être qu’un des derniers de son Ordre, un officier de santé, pendant ses mois d’été à la campagne. Jouissance intime et sobre, non exempte de privation, d’autant plus voisine de la conscience, et qui fuit les orgueilleux vulgaires !

Dans les journées de Juillet 1830, après la violation des lois par le pouvoir existant, M. Littré avait fait selon ses principes ; il avait pris le fusil ainsi que ses amis, avec cette particularité qu’il s’était revêtu d’un habit de garde nationale, habit séditieux, puisque la garde nationale était dissoute ; et il joignait à l’uniforme un chapeau rond. Pendant toute la journée du mercredi 28, il avait fait le coup de feu dans la Cité, le long du quai Napoléon. Le lendemain jeudi, au Carrousel, Farcy avait été frappé d’une balle à son côté ; et c’est chez lui que le corps du généreux jeune homme avait été ramené à travers les mille difficultés du moment. On avait fait une civière avec le pan de volet d’une boutique de marchand de vin ; quatre porteurs de bonne volonté s’étaient chargés du fardeau, et M. Hachette, conduisant le convoi sanglant, chapeau bas, à travers le respect universel, était arrivé à la maison de M. Littré, d’où le corps, dès qu’on l’avait pu, était ensuite allé au Père La Chaise, y recevoir les derniers honneurs.

M. Littré entra au National en 1831. Un de ses anciens collègues d’internat, le docteur Campaignac, parla de lui à Carrel dont il était le médecin, et M. Barthélemy Saint-Hilaire se chargea aussi de l’introduire. Mais il n’y était point d’abord sur le pied auquel il aurait pu prétendre. Il était simple traducteur des journaux étrangers