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DE JOSEPH DELORME


Le soir, qui lentement arrive,
Détache le réseau vermeil
Qui couvrait la terre captive,
Comme un pêcheur fait sur la rive
Ses filets séchés au soleil.

Une fraîche haleine soupire
Dans le saule et dans le roseau ;
Le soir et son paisible empire
Sont chers à tout ce qui respire,
À la fleur, à l’homme, à l’oiseau.

Puis surtout aucune journée
N’a de soir si beau qu’aujourd’hui ;
Plus haut notre âme est ramenée,
Car le plus long jour de l’année,
Ô Laure, en ce jour nous a lui.

Pourtant, ô blonde jeune fille,
Tu vas folâtrer, comme avant,
Sur le gazon devant la grille,
Ou sous l’odorante charmille
Des jasmins qui tremblent au vent.

File ta trame fortunée,
Ô la plus belle du vallon ;
Au doux printemps, la matinée
Sait-elle ce que la journée
A de plus court ou de plus long ?

Qui voudrait troubler, dès l’aurore,
L’alouette dans sa chanson,
La vive abeille qui picore,
L’hirondelle, étrangère encore,
La linotte au bord du buisson ?