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POÉSIES

En regardant toujours ces plis roides et droits,
Si je voyais enfin remuer quelque chose,
Bouger comme le pied d’un vivant qui repose,
Et la flamme bleuir ! si j’entendais crier
Le bois de lit !… ou bien si je pouvais prier !
Mais rien : nul effroi saint, pas de souvenir tendre ;
Je regarde sans voir, j’écoute sans entendre ;
Chaque heure sonne lente, et lorsque, par trop las
De ce calme abattant et de ces rêves plats,
Pour respirer un peu je vais à la fenêtre
(Car au ciel de minuit le croissant vient de naître),
Voilà, soudain, qu’au toit lointain d’une maison,
Non pas vers l’orient, s’embrase l’horizon,
Et j’entends résonner, pour toute mélodie,
Des aboiements de chiens hurlant dans l’incendie.


DÉVOUEMENT[1]


Que faire de la vie ? ah ! plutôt qu’en ma couche
Une nuit, le teint vert, les dents noires, l’œil louche,
Plié sur mon séant, un bras hors du rideau,
Remêlant quelque poudre au fond d’un verre d’eau,
M’assoupir lâchement sous une double dose,
Que ne puis-je, en mourant, servir à quelque chose !

  1. On trouverait dans le Globe du 4 novembre 1830 un assez piquant article sur Joseph Delorme, où les sentiments qu’exprime cette pièce sont surtout commentés. Il pourrait bien être de l’éditeur lui-même, qui aurait pris un demi-masque saint-simonien.