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POÉSIES

Qu’il soit peintre ou poëte, il emporte une image
Qui brillera longtemps sur son obscur voyage.
Souvent, dans ses ennuis, il croira vous revoir,
Pâle et pensive, assise à la fenêtre au soir,
Suivant d’un œil distrait quelque tremblante étoile,
Dont le rayon expire à votre front sans voile,
Attentive à des chœurs lointains, mystérieux,
Et vos longs doigts jouant sur vos sourcils soyeux.


LA VALLÉE AU LOUP[1]


Frigidus, o pueri, fugite hinc ! latet anguis in herba.
Virgile.


Que ce vallon est frais et que j’y voudrais vivre !
Le matin, loin du bruit, quel bonheur d’y poursuivre
Mon doux penser d’hier, qui, de mes doigts tressé,
Tiendrait mon lendemain à la veille enlacé !
Là mille fleurs sans nom, délices de l’abeille ;
Là des prés tout remplis de fraise et de groseille ;
Des bouquets de cerise aux bras des cerisiers ;
Des gazons pour tapis, pour buissons des rosiers ;

  1. La pièce suivante, qui n’était pas entrée dans les précédentes éditions, peut donner idée de ce que Joseph Delorme aurait été dans la satire, et montre en même temps que, si alors les amitiés littéraires étaient bien vives, les inimitiés n’étaient pas moins ardentes. On ne plaisantait pas en matière d’art et de poésie. Cette pièce de Joseph Delorme rappelle naturellement l’article de Gustave Planche, d’une date un peu postérieure, intitulé de la Haine littéraire.