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DE JOSEPH DELORME.

Sens-tu fléchir ton front et ta rigueur se fondre
Et les gémissements essayer de répondre,
Quand de loin je gémis ?

Oh ! dis, sous la fraîcheur du plus charmant ombrage,
Dans tes loisirs sans fin, toujours et sans partage
Suis-je en ton souvenir ?
Dis, songeant au réveil que dans ta chère allée,
Sous l’arbre confident de ta plainte exhalée,
Demain je dois venir,

As-tu, ce matin même, as-tu revu les places,
As-tu peigné le sable ou se verront tes traces
Et les miennes aussi ?
As-tu bien dit à l’arbre, aux oiseaux, à l’abeille,
Au vent, — de murmurer longtemps à mon oreille :
 « C’est ici, c’est ici !

« Ici qu’elle est venue, ici que, solitaire,
« S’est lentement en elle accompli ce mystère
 « Qui nous change en autrui ;
« Ici qu’elle a rêvé qu’elle s’était donnée,
« Ici qu’elle a béni le jour, le mois, l’année
 « Qui l’uniront à lui ! »

Vœu sacré ! — Mais au moins, pour demain, belle Élise,
N’est-il pas, n’est-il pas, vers cette heure indécise
Où tout permet d’oser,
N’est-il pas un sentier dans le myrte et la rose,
Un bosquet de Clarens où le ramier se pose,
Où descend le baiser ?