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DE JOSEPH DELORME.


IMITÉ D’OVIDE


De tous les dons du Ciel, de tout ce que la terre
A de biens, vrais ou faux, qu’elle rend tour à tour,
Gloire, grandeur, puissance, ou même étude austère,
Ou même amitié chère,
Je ne veux que l’Amour.

Je ne voulais que lui dans l’ardeur de jeunesse,
À l’âge où tous les feux nous couronnent le front ;
Quand l’orgueil du désir et sa haute promesse
Exaltaient toute ivresse,
Lui seul était au fond.

Je ne rêvais que lui dans mes rêves d’enfance,
Près des sureaux en fleur où rôdait mon ennui ;
Loin des jeux, aux sentiers où le nid sans défense
Jamais n’eut mon offense,
Je ne rêvais que lui.

Je ne veux que l’Amour dans ses restes encore,
Dans les débris épars des lilas défleuris,
Quand m’a laissé le charme, et qu’à défaut d’aurore
Le couchant seul colore
Mes brouillards déjà gris.

Chacun a son destin qui tôt ou tard l’entraîne :
C’est fureur ou génie, et quelquefois raison ;
Alexandre a la coupe et la boit d’une haleine ;
Un autre a la Syrène ;
Tyrtée a sa chanson.