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Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/405

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LES CONSOLATIONS.

Nuance dans le son et ton dans la lumière ;
Rhythme dans la pensée ; — impalpable matière ;
Oh ! s’il m’était donné, dès cet exil mortel,
De nager au torrent de ton fleuve éternel,
Je ne serais qu’amour, effusion immense ;
Car j’entendrais sans fin tes bruits ou ton silence !

Ainsi, de rêve en rêve et sans suite je vais ;
Ainsi, ma bien-aimée, hier encor je rêvais,
À midi, sur le bord du rivage, à mi-côte,
Couché, les yeux mi-clos, et la mer pleine et haute
À mes pieds, tout voyant trembler les flots dormants
Et les rayons brisés jaillir en diamants ;
Ainsi mille rayons traversent ma pensée ;
Ainsi mon âme ouverte et des vents caressée
Chante, pleure, s’exhale en vaporeux concerts,
Comme ce luth pendant qui flotte au gré des airs.

Et qui sait si nous-même, épars dans la nature.
Ne sommes pas des luths de diverse structure
Qui vibrent en pensers, quand les touche en passant
L’esprit mystérieux, souffle du Tout-Puissant ?

Mais je lis dans tes yeux un long reproche tendre,
Ô femme bien-aimée ; et tu me fais entendre
Qu’il est temps d’apaiser ce délire menteur.
Blanche et douce brebis chère au divin Pasteur.
Tu me dis de marcher humblement dans la voie ;
C’est bien, et je t’y suis ; et loin, loin, je renvoie
Ces vieux songes usés, ces systèmes nouveaux,
Vaine ébullition de malades cerveaux,
Fantômes nuageux, nés d’un orgueil risible ;
Car qui peut le louer, Lui, l’Incompréhensible,
Autrement qu’à genoux, abîmé dans la foi,