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JUGEMENTS ET TÉMOIGNAGES.

châtel, de M. Edmond de Cazalès qui avait rendu compte du livre dans le Correspondant, une pièce de vers en strophes lyriques que m’adressait Alexandre Dumas, une lettre de Buchez le saint-simonien, non encore catholique, et qui, au nom même de mes sympathies, me conviait à une direction religieuse nouvelle (31 mars 1830) :


« Monsieur, je viens de lire vos Consolations ; et je ne puis résister au désir de vous écrire. Vous êtes poëte ; il faut que je vous parle encore : vous êtes poëte, m’écouterez-vous ? écouterez-vous des mots que je crois simples, qui sont dur peut-être ? Vous m’avez fait pleurer. et, cependant, je suis déjà vieux. Au nom de ces pleurs, je vous parle… »


Suivait une discussion, une allocution pressante et chaleureuse, un Compelle intrare dans la religion de l’avenir.

Mais je dus à Beyle (Stendhal), le spirituel épicurien et l’un des plus osés romantiques de la prose, un des suffrages qui étaient le plus faits pour me flatter. Il était peu disposé, en général, en faveur des vers, et des vers français en particulier. Dans un premier écrit sur le Romantisme en 1818, il avait dit :


« … La France et l’Allemagne sont muettes : le génie poétique éteint chez ces nations n’est plus représenté que par des foules de versificateurs assez élégants, mais le feu du génie manque toujours ; mais si on veut les lire, toujours l’ennui comme un poison subtil se glisse peu à peu dans l’âme du lecteur ; ses yeux deviennent petits, il s’efforce de lire, mais il baille, il s’endort et le livre lui tombe des mains. »


Quelle fut donc ma surprise quand je reçus de lui, avec qui je n’avais eu d’ailleurs que des relations assez rares et de rencontre, une lettre ainsi conçue !


« Après avoir lu les Consolations trois heures et demie de suite, le vendredi 26 mars (1850).


« S’il y avait un Dieu, j’en serais bien aise, car il me payerait de son paradis pour être honnête homme comme je suis.