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PENSÉES D’AOÛT.


L’enfance encor, l’enfance a des vœux que j’admire,
Des élans où la foi revient luire et sourire,
Des propos à charmer les martyrs triomphants.
Et des vieillards aussi, pareils aux saints enfants,
Ont des désirs, Seigneur, de chanter ta louange,
Comme un Éliacin dans le temple qu’il range !

À la Conciergerie où libre et par son choix,
Prisonnière, venait, pour ressaisir ses droits,
Une Dame au grand nom, de qui la haute idée,
Mal à l’aise en nos temps, rêva l’autre Vendée,
Et qui, d’un sang trop prompt et d’un cœur plein d’échos,
S’égarait à tenter les luttes des héros[1] ;
À la Conciergerie, en même temps, près d’elle,
Pour cause peu semblable, et sans chercher laquelle,
Se trouvait une femme, une mère ; et l’enfant,
L’enfant aux blonds cheveux, vers la Dame souvent
Allait et revenait d’une grâce légère :
Entre les rangs divers l’enfance est messagère.
Et la sœur de la Dame, aussi d’air noble et grand,
Dès midi chaque jour venant et demeurant,
Toutes deux à l’entour de ce front sans nuage
S’égayaient, et l’aimaient comme un aimable otage,
L’appelaient, le gardaient des heures, et parmi
De longs discours charmants, le nommaient leur ami.
Et sous les lourds barreaux et dans l’étroite enceinte,
La jeune âme captive, ignorant sa contrainte,
N’avait que joie et fête, et rayon qui sourit :
Telle une giroflée à la vitre fleurit.
Pourtant, lorsque la Dame, un moment prisonnière,
Vit sa cause arriver et la libre lumière,
Ce furent des regrets et des adieux jaloux,

  1. Il s’agit de madame de La Rochejacquelein, et un peu après de sa sœur, madame de Rauzan.