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PENSÉES D’AOÛT.

Mais si soudain alors, vous frappant sous le hêtre,
Un appel éloigné lève et suspend vos pas ;

Si, du prochain cortège où la foule se presse,
Une voix rompt ce cri tout à l’heure importun,
Si, de dessus la haie où l’épine se dresse,
La bienveillance en fleurs envoie un bon parfum,

Alors, tout refusant ce qui n’est point possible,
On est touché du moins, et, d’un cœur non jaloux,
On reprend son sentier et la pente insensible,
Et pour longtemps les bois et l’oubli sont plus doux.

1837.

SONNET

à madame G.[1]


Quæque gerit similes candida turris aves.
Martial.


« Non, je ne suis pas gaie en mes fuites volages,
Autant qu’on croirait bien, disait-elle en jouant ;
Je sens aussi ma peine, et pleurerais souvent ;
Mais c’est que dans l’esprit j’ai beaucoup de passages. »

Mot charmant qui la peint ! — Oui, de légers nuages
Comme en chasse en avril une haleine de vent ;
Des oiseaux de passage au toit d’un vieux couvent :
Au front d’un blanc clocher, de blancs ramiers sauvages !

Ô jeune femme, oubli, joie, enfance et douceur,
Puisse du moins la Vie, ainsi qu’un dur chasseur,
Ne pas guetter sa proie à l’ombre où tu t’abrites,

  1. Fille naturelle du duc de Fitz-James.