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PENSÉES D’AOÛT.


SONNETS


I


Je côtoyais ce lac, tant nommé dans mon rêve ;
Je le tenais enfin, et j’en voyais le tour.
Le rapide bateau l’embrassait d’un seul jour.
Joyeux, je commençais ce qui si tôt s’achève.

Chaque instant amenait quelque nom qui se lève ;
Coppet venait de fuir ; Lausanne avait son tour ;
Vevay luisait déjà sous sa légère tour ;
Clarens… quoi ? c’est Clarens ! bosquet d’ardente sève !

J’admirais, mais sans pleurs, mais sans jeune transport ;
Rien en moi ne chantait ou ne faisait effort.
de disais : Est-ce tout ? — Le peu de ce qu’on aime,

La fin des longs désirs, leur inégale part,
Me revenait alors ; je m’accusais moi-même,
Beaux monts, cadre immortel, et que je vois trop tard !


II


Mais, dans l’autre moitié du rapide passage,
Un mot dit sans dessein fit naître à mon côté,
Fit jaillir un regard d’esprit et de beauté,
Tout un jeune bonheur, tout un charmant langage.

Elle parlait du Beau dont Dieu peignit l’image,
Des grands livres, de l’art vu dans sa majesté,