Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/597

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
275
PENSÉES D’AOÛT.

Ou dépouille à plaisir la colline prochaine !
Trois fois malheur, si c’est au bord d’une fontaine !

Était-ce donc présage, ô noble Despréaux,
Que la hache tombant sur ces arbres si beaux
Et ravageant l’ombrage où s’égaya ta muse ?
Est-ce que des talents aussi la gloire s’use,
Et que, reverdissant en plus d’une saison,
On finit, à son tour, par joncher le gazon,
Par tomber de vieillesse, ou de chute plus rude,
Sous les coups des neveux dans leur ingratitude ?
Ceux surtout dont le lot, moins fait pour l’avenir,
Fut d’enseigner leur siècle et de le maintenir,
De lui marquer du doigt la limite tracée,
De lui dire où le goût modérait la pensée,
Où s’arrêtait à point l’art dans le naturel,
Et la dose de sens, d’agrément et de sel,
Ces talents-là, si vrais, pourtant plus que les autres
Sont sujets aux rebuts des temps comme les nôtres,
Bruyants, émancipés, prompts aux neuves douceurs,
Grands écoliers riant de leurs vieux professeurs.
Si le même conseil préside aux beaux ouvrages,
La forme du talent varie avec les âges,
Et c’est un nouvel art que dans le goût présent
D’offrir l’éternel fond antique et renaissant.
Tu l’aurais su, Boileau