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NOTES ET SONNETS.

La tienne en tout pareille et sur tout point gardée,
Sans que rien la dépasse et se joue à demi ?

Pourquoi, s’il doute encor, s’il est moins affermi
En tout ce qui n’est pas l’amitié décidée,
Pourquoi, sans vous asseoir, toujours plus loin guidée,
Le piquer dans son doute à l’endroit endormi ?

J’en sais qui, dès avril, sur l’arbre encor sauvage,
Non pas indifférents, mais sans presser le gage,
En respirent la fleur d’un cœur déjà content.

Et cette fleur, un jour peut-être, non hâtée,
Comblera tous vos vœux, à belle Philothée !
Comme un fruit mûr qui tombe au gazon qui l’attend.


À MADAME…


Il est doux, vers le soir, au printemps qui commence,
Au printemps retardé qui se déclare enfin,
Les premiers jours de mai, dans cet air tout divin
Où se respire en fleur la première semence ;

Il est doux, à pas lents, sous le couchant immense,
Devant ces pics rosés de neige et d’argent fin,
Devant ce lac qui luit comme un dos de Dauphin,
Par ces tournants coteaux qui vont sans qu’on y pense,

Il est doux, Amitié, de marcher sans danger,
Tenant près de son cœur ton bras chaste et léger,
De se montrer chaque arbre et sa pointe première :