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NOTES ET SONNETS.


RÉPONSE
À MON AMI F.-Z. (COLLOMBET)


« Toujours je m’entête, malgré le miel qui est au fond de vos vers, à me fâcher contre cet alexandrin brisé… »
(Lettre.)


Oui, cher Zénon, oui, ma lyre est bizarre,
Je le sais trop ; d’un étrange compas
Elle est taillée, et ne s’arrondit pas
D’un beau contour sous le bras du Pindare.

Le chant en sort à peine, et comme avare :
Nul groupe heureux n’y marierait ses pas :
Mais écoutez, et dites-vous tout bas
Quel son y gagne en sa douceur plus rare.

Demandez-vous si ce bois inégal,
Ce fût[1] boiteux qu’un coup d’œil juge mal,
N’est pas voulu par la corde secrète,

Dernière corde, et que nul avant moi
N’avait serrée et réduite à sa loi,
Fibre arrachée au cœur seul du Poëte !


  1. Fût ou, comme on disait au seizième siècle, fust, le bois de la lyre.