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LIVRE DEUXIÈME.

d’une offrande à Dieu, en disant : « Si un homme a du bien, ou s’il a amassé, par une étude sainte de plusieurs années, des richesses de la parole divine qui lui étoient infiniment plus chères que les perles et les diamants, et qu’il aimoit comme étant venues du Ciel et lui ayant été données de la main de Dieu, et si cet homme consent que Dieu les détruise par quelque accident inopiné,… ce sont d’excellentes préparations qui mènent un tel homme à une ruine volontaire de lui-même… » — Quant à M. de Barcos, il ne pratiquait pas moins ce même esprit de dépouillement, et il disait de ces pensées brûlées et dont le fond ne lui tenait pas moins à cœur qu’à son oncle, ce que c’étoit une affaire faite, qu’il n’y falloit plus songer que pour y voir un holocauste ; et qu’après tout, ces pensées n’étoient pas perdues, puisqu’elles s’en étoient retournées d’où elles étoient sorties ! »

Aussitôt M. de Saint-Cyran arrêté, tous ses amis s’agitèrent, s’entremirent,[1]M. Bignon, le Père de Gondi, M. Cospean, évêque de Lisieux, M. de Sponde, évêque

  1. Hardouin de Beaumont de Péréfixe, le futur archevêque de Paris, aimait à rapporter les paroles que le cardinal de Richelieu lui avait dites le matin même qui suivit l’arrestation. Le cardinal était alors à Compiègne ; l’abbé de Beaumont était son maître de chambre. Le cardinal lui dit en le voyant : « Beaumont, j’ai fait aujourd’hui une chose qui fera bien crier contre moi. J’ai fait arrêter par ordre du roi l’abbé de Saint-Cyran. Les savants et les gens de bien en feront peut-être du bruit. Quoi qu’il en soit, j’ai la conscience assurée d’avoir rendu service à l’Église et à l’État. On auroit remédié à bien des malheurs et des désordres si l’on avoit fait emprisonner Luther et Calvin, dès qu’ils commencèrent à dogmatiser. » C’est là le sens des paroles que nous retrouverons plus tard avec variantes (liv. V, ch. II) dans la bouche de l’archevêque. — Le Père Rapin dit avoir su de la duchesse d’Aiguillon elle-même quelques détails précis. M. d’Andilly courut à elle, dès le premier moment, pour implorer son secours et son intervention auprès du cardinal son oncle. Elle y consentit et alla attendre le cardinal à son arrivée à Rueil. Elle prit son temps pour lui parler de M. de Saint-Cyran. Après les premiers mots.