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PORT-ROYAL.

aussi pour ses papiers, de peur qu’on n’y cherchât matière à persécution contre plusieurs. On trouva chez lui, en effet, et on saisit par ordre du Chancelier la valeur peut-être de trente à quarante volumes in-folio, soit des extraits des Pères, soit des traités divers et des pensées de sa façon. Le Chancelier, lorsqu’on lui apporta ces masses, fut comme épouvanté, et il ne revenait pas de ce qu’un seul homme eût pu tant écrire. Beaucoup de ces pensées durent même à cette capture violente de se répandre dans le monde et de transpirer. Le Chancelier, tout le premier, en fît copier des extraits. Lancelot a comparé cette heureuse dissémination de choses spirituelles au pillage de vastes greniers qui, sans cela, resserraient dans l’ombre des biens inconnus. Il y eut quelques-uns de ces papiers, formant deux ou trois volumes, que les archers oublièrent au fond d’un coffre ; c’étaient des pensées sur le Saint-Sacrement pour un grand ouvrage que méditait M. de Saint-Cyran. M. de Barcos, venant à les retrouver, les jeta au feu, par surcroît de précaution, et de peur qu’ils ne fournissent, si l’on y mettait la main, de nouveaux prétextes aux accusations d’hérésie. M. de Saint-Cyran n’apprit qu’assez longtemps après ce brûlement de papiers (comme il l’appelait), et il ne put s’empêcher au premier moment d’y être très sensible ; de toutes ces pertes il fit le motif

    lettres, c’est le respect profond pour l’enfance, pour une âme immortelle rachetée, pour cette petite âme bientôt grande et égale aux Anges. La petite-nièce mourut en 1641 : M. de Saint-Cyran la pleura un ou deux jours, mais abondamment, autant peut-être, dit-il, qu’il ait jamais pleuré personne, et, ces deux jours passés, il écrivait : « Maintenant je loue Dieu sans cesse et le louerai toute ma vie, tous les jours et aux mêmes heures de sa mort. » Nous citerons dans la suite la divine lettre d’allégresse de M. Hamon sur la mort du petit jardinier ; mais, dès à présent, tout au sortir de M. de Saint-Cyran à l’agonie, il ne déplaît pas de voir sourire M. de Saint-Cyran consolé.