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LIVRE PREMIER.

vous diversifierez le biais duquel vous les regarderez ; parce que leurs plumes sont si propres à recevoir la splendeur, que le soleil voulant mesler sa clarté avec leur pennage, il se fait une multitude de transparences, lesquelles produisent une grande variété de nuances et changements de couleurs, mais couleurs si agréables à voir qu’elles surpassent toutes couleurs et l’émail encore des plus belles pierreries ; couleurs resplendissantes et si mignardement dorées que leur or les rend plus vivement colorées ; car en cette considération le Prophète royal[1] disoit aux Israélites :

Quoique l’affection vous fane le visage,
Vostre teint désormais se verra ressemblant
Aux aisles d’un pigeon où l’argent est tremblant,
Et dont l’or brunissant rayonne le pennage[2]

Tout cela pour exprimer la diversité des talents et des grâces au sein de l’Église. Les vers qu’il cite en cet endroit sont sans doute, comme presque tous les autres dont l’ouvrage est semé, de l’abbé de Tiron (Des Portes), qui traduisit les Psaumes dans sa vieillesse, après avoir fait d’abord force sonnets galants et force chansons amoureuses.[3]Des Portes, charmant et tendre poète, si cher au sexe, notre Pétrarque du seizième siècle, est bien le poète de saint François de Sales.

La sobriété dans l’expression ne doit pas nous sembler maintenant le propre du saint. On n’en aurait pas idée si l'on ne faisait que l’effleurer : il faut avoir vu à quel excès tout chez lui festonne et fleuronne. Il en convient lui-même ; il confesse ces surcroissances, qu’il n’est presque pas possible d’éviter, dit-il, à celui qui, comme

  1. Psaume LXVII, 14.
  2. Préface du Traité de l’Amour de Dieu.
  3. Sa plus célèbre et si agréable chanson : Oh Nuict, jalouse Nuict, etc., était chantée par toutes les voix d’alors : elle rappelle un peu, pour le motif, le Maudit Printemps, reviendras-tu toujours ? de Béranger. — Saint François de Sales, en citant les vers de Des Portes, les rajeunit et les arrange un peu.