Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t1, 1878.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
LIVRE PREMIER.

dans les affaires extérieures ; et, bien qu’il évitât de s’y mêler hors de son domaine, lorsqu’il y était naturellement conduit ou jeté forcément, il y apportait un tempérament, une insinuation, une hardiesse même, tout un art heureux et facile qui allait à la réussite.

Cette alliance entre l’onction affectueuse et une certaine finesse diplomatique se retrouve assez évidente également chez Bérulle, et bien davantage chez Fénelon ; elle a ses causes naturelles, toute la délicatesse intérieure de ces sortes d’âmes leur devenant au besoin un continuel éveil et comme un sens exquis de ce qui peut choquer ou attirer les autres.

Nous voici en mesure peut-être de nous bien expliquer, dans leur vraie acception et leur juste portée, ses jugements sur Rome et sur les désordres de l’Église, que nous lui avons entendu confier tout bas à la mère Angélique. Car, bien que l’exactitude n’en puisse être contestée et que la mère Angélique ne mente pas, la révélation est assez neuve pour que je ne l’aie acceptée que sous bénéfice d’inventaire et à charge d’examen. Mais rien de plus propre encore à éclairer cette appréciation que d’étudier un peu au préalable sa conduite avec le duc de Savoie, dans laquelle on retrouve de même obéissance complète et soumission pratique, arrière-pensée pourtant, et blâme au fond, plus ou moins sévère.

En effet, au nombre des pensées secrètes qu’il ne craignit pas d’épancher auprès de la mère Angélique, et que confirment et circonstancient les autres détails sur Rome et sur l’Église, on lit :

« Il me dit aussi tous les mauvais tours que lui avoit joués le duc de Savoye, et comme il avoit maltraité quelques uns de ses parents très honnêtes gens, sans qu’il eût voulu jamais s’en plaindre ; ayant rendu, au contraire, »