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PORT-ROYAL.

un seul but, elles portent toutefois avec elles leur cachet suffisant d’authenticité. Très souvent inintelligibles de sens, toujours plates de style, elles restent, à beaucoup d’égards, instructives et historiquement remarquables. Les premières de ces lettres, depuis le 19 mai 1617 jusqu’au 4 novembre 1621, sont en langage ordinaire, c’est-à-dire sans chiffre ; mais, à partir de ce mois de novembre, après une entrevue qu’eurent les deux amis, ils s’entendirent pour se servir désormais d’un chiffre ou argot qu’on a peine à pénétrer, au moins dans le détail[1]. Avant cette complication, on lit

    blic ces lettres de Jansénius à Saint-Cyran comme la pièce la plus propre à éclairer les mystères du parti. Il les avait fait imprimer en secret à Caen, en 1653; on ne les débita que l’année suivante, comme imprimées à Louvain. Les originaux, qu’on avait fait relier, furent déposés dans la bibliothèque du Collège de Clermont (Louis-le-Grand), où chacun put les vérifier. Ces lettres furent réimprimées depuis sous leur titre direct : Lettres de M. Cornélius Jansénius, etc., etc., à M. Jean du Verger, etc., avec des remarques de François Du Vivier, 1702, in-12. Ce Du Vivier n’est autre que le janséniste Gerberon, qui oppose un commentaire courant à celui que Pinthereau avait joint à l’édition première.

  1. L’époque de cette entrevue coïncide assez bien avec ce que les Jésuites ont raconté des conférences de Bourg-Fontaine. Ils prétendirent qu’à la chartreuse de ce nom, située dans la forêt de Villers-Cotterets, s’étaient réunies secrètement, vers la fin de l’été de 1621, six ou sept personnes ayant pour but d’aviser à une certaine réforme religieuse. Un des témoins et assistants, qui s’en repentait, un ecclésiastique, en aurait fait la révélation en 1654 au sieur Filleau, avocat du roi à Poitiers, pour lui fournir un argument de plus dans sa guerre de réquisitoires contre les Jansénistes. Le reste des détails, pour le fond, était odieux et mensonger. Filleau n’ayant donné que les initiales des personnages, on chercha à remplir les noms ; on se trompa en interprétant A. A. par Antoine Arnauld, qui n’avait alors que neuf ans ; c’était Arnauld d’Andilly qu’il fallait lire. On a débité là-dessus, de part et d’autre, force injures et sottises ; on a entassé factums contre factums. Les Jansénistes, triomphant d’une méprise de nom, se sont jetés de côté et ont poussé les hauts cris. Quant à moi, je le redis ici, le simple fait d’une conférence à Bourg-Fontaine, entre Jansénius, Saint-