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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

vraie tendance politique de Port-Royal : car pour l’autre prétention politique qui lui a tant été reprochée de son vivant, pour cette ambition positive et tracassière qui aurait consisté à s’entendre avec les frondeurs, avec les adversaires du pouvoir et de la royauté d’alors, ç’a été, durant tout ce temps-là, une calomnie pure aux mains des ennemis. Depuis, ç’a été chez plusieurs une erreur accréditée. Petitot, dans un remarquable et spécieux travail sur Port-Royal (en tête des Mémoires d’Arnauld d’Andilly), a repris, il y a quelques années, cette thèse, pour la démontrer en détail ; et, à l’intention secrète, à la vivacité amère qu’il y a mise, on peut oser affirmer qu’il en a refait une calomnie[1]. Nous aurons, pour le réfuter, à insister souvent et beaucoup,

  1. On lisait à cet endroit dans la première édition : «Rien n’est dangereux et cruel comme les transfuges ; et de cet auteur, d’ailleurs estimable, mais sorti du Jansénisme et si acharné contre lui, on aurait presque droit de dire par vengeance, de répéter avec Racine, avec le grand poète de Port-Royal, parlant du transfuge sacrilège de Sion :

    Ce cloître l’importune, et son impiété
    Voudrait anéantir le Dieu qu’il a quitté.

    M. Th. Foisset, qui est de Dijon comme Petitot, a cru devoir contester et repousser pour son compatriote cette qualification de transfuge, qui ferait supposer que Petitot avait été élevé et nourri dans les principes du Jansénisme. Cela, en effet, n’est pas. Je réduirai ma pensée à ce qu’elle a de vrai et d’incontestable. M. Petitot entra dans l’Université avec et par MM. Gueneau de Mussy et Rendu, qui avaient grand crédit auprès de M. de Fontanes et qui inclinaient, on le sait, au Jansénisme. Ce n’était pas sans doute tout à fait pour les choquer qu’il donna ou redonna en 1810 une édition de la Grammaire de Port-Royal avec un Discours préliminaire si favorable à la littérature des doctes solitaires. Plus tard, les temps ayant changé, il changea de méthode, il crut devoir flatter les Jésuites et ce qu’on appelait la Congrégation en attaquant ces mêmes hommes. Voilà pourquoi je l’ai dit transfuge. Si ç’a été trop dire, il en subsiste au moins quelque chose. — Au reste, l’opinion de Petitot, qui pouvait encore compter en 1837, n’est plus d’aucun poids aujourd’hui.