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PORT-ROYAL.

portent cette gloire qui régnait et tous les retranchements. Port-Royal doit être pour beaucoup dans cette issue singulière du dix-septième siècle. Ce siècle, en effet, a usé, à détruire une partie essentielle de lui-même, les forces qui ne se présentèrent plus ensuite à la lutte contre l’ennemi commun, qu’isolées et entamées. Entre les Jésuites et les Jansénistes, entre ces deux ailes, en quelque sorte, de l’armée catholique, qui en étaient aux mains et aux injures, la philosophie aisément fit sa trouée. Port-Royal aussi (il faut le dire), dont l’esprit, bien que rétréci, survivait et subsistait toujours, n’avait jamais eu, même au temps le plus glorieux de cet esprit, ce qui pouvait modifier et modérer l’avenir, une fois émancipé. N’ayant pas étouffé cet avenir dans son germe, dans son idée première de libre arbitre et de volonté, il se trouvait impuissant à le soumettre, et l’irritait, le révoltait extraordinairement par la rigueur de ses dogmes si contraires aux inclinaisons nouvelles. Si, en effet, une sorte d’indépendance du côté de Rome, une sorte de rappel du chrétien aux textes de l’Écriture, et assez peu de superstition pour les pouvoirs socialement constitués, dénotaient dans le Jansénisme quelques traits moins en désaccord avec le mouvement général d’émancipation philosophique, tout le reste de sa part était, au fond, aussi contraire, aussi négatif, aussi irritant pour ce qui allait venir, qu’il est possible d’imaginer. Le Péché originel comme il l’entendait, la déchéance complète de la nature, l’impuissance radicale de la volonté, la Prédestination enfin, composaient, non pas un système de défense, mais, un défi contre la philosophie et les opinions survenantes, toutes flatteuses pour la nature, pour la volonté, pour la philanthropie universelle. L’autorité absolue et irréfragable, conférée à saint Au-