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LIVRE DEUXIÈME.

d’accessoire, il ne s’en préoccupe pas ; il semble ne point chercher de résultats extérieurs et de développements manifestes sur la terre[1]. L’âme humaine, individuelle, chaque âme une à une, naturellement et incurablement malade par le péché, cette âme à sauver par Jésus-Christ et par lui seul, voilà son œuvre ; il s’y concentre ; à droite et à gauche, rien. Jansénius songeait plus particulièrement à la nécessité de l’entière vérité dans la doctrine ; lui, il tient surtout à la nécessité de l’entière vérité dans la guérison. Parmi les réformateurs célèbres calvinistes, tant occupés de cette guérison individuelle, nul ne l’a surpassé en rectitude ni en puissance ; et ce qui le distingue essentiellement d’avec eux et d’avec ceux qu’on a depuis appelés Méthodistes, tous également tournés à l’unique point, c’est sa haute croyance aux Sacrements, à celui de l’Eucharistie d’abord et à celui de la Pénitence.

Si bien que, croyant aussi fort qu’il fait au mal et à la nécessité du remède, croyant à la Grâce, ne croyant pas moins à ce double sacrement qui est un double canal direct de guérison et de nourriture spirituelle, et croyant encore par-dessus tout au sacrement du Sacerdoce qui confère l’exercice souverain des deux autres, M. de Saint-Cyran apparaît, comme étude et caractère de Directeur, aussi intimement fondé et plus armé de tout point que personne[2].

  1. Ceux qui savent lire, lire surtout dans l’intime contradiction de toute pensée, concilieront ceci avec ce qui a été insinué ailleurs de ses projets concertés et de sa longue entreprise. Ce qui est certain, c’est qu’une fois qu’on entre dans M. de Saint-Cyran directeur, le reste disparaît.
  2. Pour le connaître à fond et doctrinalement, il faut avoir lu sa lettre à M. Guillebert et ses pensées sur le Sacerdoce (Lettres chrétiennes et spirituelles de messire Jean du Vergier, etc., 2 petits vol. in-12, 1744) ; il y marque expressément ses vrais points de séparation d’avec Luther et Calvin. Maintes fois les Réformés l’ont