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PORT-ROYAL.

digérer ce procédé de la Cour de Rome, qu’il savoit fort bien distinguer de l’Église romaine, ne put retenir son zèle pour la vérité, et il dit par un certain mouvement intérieur qui ne sembloit venir que de Dieu : Ils en font trop, il faudra leur montrer leur devoir. Par où l’on peut juger de ce qu’il auroit fait s’il avoit vu ce qui est arrivé depuis[1]

Lancelot fournit un trait qui complète le précédent et qui sépare M. de Saint-Cyran d’avec le Gallicanisme autant qu’il se séparait d’ailleurs de la Cour de Rome. «Il déploroit beaucoup, écrit le fidèle disciple, la plaie que le Concordat (entre Léon X et François Ier) avoit «faite dans l’Église de France, en lui ravissant le droit de se choisir des pasteurs tels qu’elle les désire ; et il remarquoit que depuis cela on n’avoit point encore vu d’évêque en France qui eût été reconnu pour saint après sa mort[2]. » À ce mot contre le Concordat et pour l’élection directe des Évêques par les Chapitres (sans que Pape ou Roi s’en mêlât), on entrevoit tout son système de grande république chrétienne. L’idée qu’il avait du simple Prêtre était souverainement haute et proportionnée à sa foi dans l’Eucharistie et dans les autres sacrements où le Prêtre fait œuvre sur terre au nom et en place de Dieu. Sa grande république chrétienne, telle que je la conçois, aurait donc eu les simples Prêtres comme colonnes, les Évêques élus comme groupant, concentrant et gouvernant, les Conciles généraux comme dominant et régnant d’une suprématie infaillible, et le Pape, par-dessus tout, comme couronne un peu honoraire.

Ces divers points bien posés qui font mesurer dans l’ensemble le caractère et l’esprit du grand personnage,

  1. Mémoires de Lancelot, t. II, p. 121.
  2. Ibid., t. II, p. 163.