M. Ferrand, vint loger à Saint-Nicolas, et par un concours de circonstances, bien que Lancelot ne fût encore qu’écolier, ils se trouvèrent liés si étroitement que l’amitié saine et civile ne pouvait guère aller plus loin. M. Ferrand avait (chose alors bien rare) la connaissance des écrits et de la doctrine de saint Augustin. Il leur arrivait souvent à Lancelot et à lui, en causant, de juger M. Buurdoise :
«Je vois bien, disoit M. Ferrand, que l’esprit de ce bon Prêtre est un peu extérieur, et qu’il renferme tout dans la parole. Il s’imagine qu’il n’y a qu’à bien presser un homme pour le convertir. Il fait pour ce qui regarde les mœurs comme le Père Véron (jésuite et depuis curé à Charenton) pour les erreurs des hérétiques ; ils croient tous deux qu’il n’y a qu’à beaucoup crier. — Je sais bien, ajoutoit-il encore, que toute la conduite de ce temps-ci va là ; mais ce n’est pas celle de saint Augustin que Dieu m’a fait la grâce de goûter ; et je ne sache aujourd’hui presque qu’un homme qui soit bien entré dans toute vérité.» — Je lui demandai : Qui est-ce ? Il me répondit : C'est l’abbé de Saint-Cyran !»
«Cette parole fut comme un dard qui, à l’instant même, me perça le cœur, et il me resta dès lors une si grande vénération pour M. de Sainl-Cyran, et une si grande idée de sa vertu et de son mérite, qu’il me semble qu’elle fut tout d’un coup portée à son comble et qu’elle n’a pu recevoir de plus grand accroissement depuis.… Hélas ! me dis-je à moi-même, voilà celui qu’il y a si longtemps que Dieu me marque ; voilà un homme semblable aux Saints, et enfin un homme des premiers siècles. Il faut tout quitter pour l’aller trouver, fût-il au bout du monde.»
Cette vénération à l’instant conçue par Lancelot, et qui lui perça du premier coup le cœur comme un dard, ne s’est en aucun temps ralentie : fixée au fond, elle a survécu de plus en plus vive et fervente à M. de Saint-Cyran mort, et nous lui devons les deux volumes essen-