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LIVRE PREMIER

mais aussi pour le genre de nature polémique et infatigablement pugnace.

Les familles véritables et naturelles des hommes ne sont pas si nombreuses ; quand on a un peu observé de ce côté et opéré sur des quantités suffisantes, on reconnaît combien les natures diverses d’esprits, d’organisations, se rapportent à certains types, à certains chefs principaux. Tel contemporain notable qu’on a bien vu et compris, vous explique et vous pose toute une série de morts, du moment que la réelle ressemblance entre eux vous est manifeste et que certains caractères de famille ont saisi le regard. C’est absolument comme en botanique pour les plantes, en zoologie pour les espèces animales. Il y a l’histoire naturelle morale, la méthode (à peine ébauchée) des familles naturelles d’esprits. Un individu bien observé se rapporte vite à l’espèce qu’on n’a vue que de loin, et l’éclaire.

Sans trop presser cette doctrine au cas particulier, j’avoue que M. de Montlosier m’aide tout à fait commodément à comprendre les Arnauld. Il est leur compatriote ; il fait des livres sur tout, sur les volcans d’Auvergne, sur les mystères de la religion ; il fait de la polémique à tue-tête contre les Jésuites. Il est âpre à la joute, aheurté à ses idées ; il est érudit, il est mystique par un coin ; et, à quatre-vingts ans passés, le voilà debout, frais, sain et ferme, même agréable sous ses cheveux blancs. M. d’Andilly ou le grand Arnauld avaient quelque chose de tel assurément.

Le fils aîné de M. de La Mothe (oncle par conséquent de M. d’Andilly et des nôtres) était un vaillant capitaine, longtemps voyageur dans le Levant, de vieille roche comme son père, et portant haut la tête. Quand le roi Henri III le voulut faire secrétaire d’État à Blois après la mort du duc de Guise, il refusa, alléguant qu’il aurait mieux à servir le roi contre ceux de la Ligue dans son