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PORT-ROYAL.

Augustin selon Jansénius,[1] est qu’il y a deux sortes d’états de l’homme, et deux sortes de Grâces, chacune par rapport à chaque état ; que, dans le règne primitif et d’innocence, l’homme était entièrement libre, et que la Grâce qu’il avait alors restait soumise à sa liberté ; qu’il ne pouvait, il est vrai, faire le bien sans cette Grâce, mais qu’elle ne le déterminait pas du coup à le faire, et qu’il avait la faculté d’en user ou de n’en pas user. C’était à peu près pour lui comme pour les Anges, avant que quelques-uns, par révolte, fussent précipités. En un mot ce que, sinon les Pélagiens, du moins les Semi-Pélagiens disent de l’homme déchu, Jansénius le reporte à l’homme primitif et l’admet pour celui-ci, mais en déclarant tout aussitôt que la Chute a tout changé. Depuis la Chute en effet, il considère que tout l’homme est infecté et tombé par lui-même dans une habitude incurable et constante de péché ; que toutes les actions, en cet état, se trouvent autant de péchés, même les plus spécieuses, le principe et la source commune étant empoisonnés ; qu’il n’y a, dans une telle misère, de ressource et de remède que moyennant une Grâce souveraine, infaillible, qui descende en nous et se fasse victorieuse ; qu’elle seule peut relever et déterminer au bien la volonté malade et désormais incapable par elle seule de rien autre que du mal ; que tous n’ont pas cette Grâce ; que Dieu la donne à qui il veut, dans la profondeur redoutable de ses mystères ; qu’il ne la doit à personne, tous en masse étant tombés, et qu’il ne fait que justice en les y laissant et n’opérant rien ;

    s’étudie à suivre les opérations de l’âme même, au sein du silence où elle se replie, tandis que l’autre s’attache à saisir l’impression directe du soleil de la vérité dans le miroir de notre âme au sein de la prière.

  1. Ellies Du Pin, Histoire ecclésiastique du dix-septième Siècle, tome II, pag. 23 et suiv.