Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
LIVRE DEUXIÈME.

sévérance, une grâce telle qu’elle était entièrement soumise au libre arbitre qui la rejetait ou en usait à son gré. De là on a tiré la quatrième Proposition condamnée : « Que les Semi-Pélagiens admettaient la nécessité de la Grâce intérieure prévenante pour toutes les actions, même pour le commencement de la foi, mais qu’ils étaient hérétiques en ce qu’ils voulaient que cette Grâce fut telle que la volonté de l’homme pouvait lui résister ou lui obéir. »

Enfin, sur ce mot de l’Écriture que Jésus-Christ est mort pour tous les hommes, Jansénius, qui n’admet pas que la Grâce, la volonté divine n’ait pas toujours son plein effet, et qui voit cependant que tous les hommes sont loin de vérifier cet effet de salut universel, se trouve conduit à donner diverses explications de ce mot tous les hommes ; il suppose, par exemple, que l’Apôtre a voulu dire que le Sauveur est mort, non point pour chaque homme en particulier, mais bien seulement pour certains hommes élus de tous états indistinctement, de toute nation et condition, Juifs et Gentils, esclaves et maîtres… D’où l’on a inféré la cinquième Proposition condamnée, la plus odieuse au premier regard ; on lui impute d’avoir avancé « que c’est une erreur semi-pélagienne de dire que Jésus-Christ est mort, a répandu son sang généralement pour tous les hommes. »[1]

Il y avait eu encore dans le principe une autre proposition dénoncée ; mais on se réduisit aux cinq, et

  1. On se fera une idée directe du sentiment de Jansénius sur ce point irritant, en lisant le chapitre XXI du livre III de sa troisième partie (De Gratia Christi Salvatoris). Également, au chapitre XXI du livre VIII de la même partie, on pourra voir, dans le paragraphe qui commence ainsi : Secundum est quod Calvinus …, avec quelle peine il s’efforce de se séparer de Calvin à l’article de la liberté. Il ne serait pas mal, pour se former sans trop de frais une théologie suffisante et une base de comparaison, d’y ajouter la lecture des chapitres XXI, XXII et XXIII du livre III de l'Institu-