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PORT-ROYAL.

Dieu : l’une des philosophes et par la seule raison, voie très trompeuse, l’autre des Chrétiens, très sûre, et dans laquelle intervient, que dis-je ? à laquelle préside la charité ; car il ne distingue pas la méthode dite d’autorité, de cette méthode de charité. Il me paraît bien admirable là-dessus, je traduis textuellement :

«L’autre méthode part de la charité enflammée par laquelle le cœur de l’homme se purifie, s’illumine, de manière à pénétrer les secrets de Dieu qui sont contenus dans l’écorce des Écritures sacrées et dans les principes mêmes révélés. Ce mode de comprendre est très familier aux vrais Chrétiens ; c’est par là que dans les personnes spirituelles, hommes ou femmes, à mesure que la charité s’accroît, la sagesse croit d’autant, jusqu’à ce qu’elle arrive à son jour de maturité parfaite. Car de même que l’arbre naît de la semence, et que la semence à son tour naît de l’arbre, et qu’ainsi l’un et l’autre, par cette production réciproque, vont se multipliant à l’infini, de même la connoissance de la foi chrétienne suscite l’amour de la charité et opère par elle ; laquelle charité aussitôt excite une nouvelle lumière de connoissance, et cette lumière provoque une flamme d’amour qui de nouveau engendre une lumière ; et ainsi, par une émulation et un redoublement continuel, flamme et lumière s’excitant et s’engendrant mènent l’âme chrétienne à la plénitude de la ferveur et de la lumière, c’est-à-dire à la plénitude de la Charité et de la Vérité, c’est-à-dire à la plénitude de la Sagesse.»

Est-il plus vivante et plus persuasive manière de fonder et d’attendrir la méthode d’autorité que celle que Jansénius tire de saint Augustin sans doute, mais qu’il développe ici avec un génie propre ? Pascal a résumé le tout en deux mots : «La foi parfaite, c’est Dieu sensible au cœur. » De sorte qu’aux philosophes spéculatifs, et qui n’étudient que pour étudier, à ces Chrétiens d’opinion si communs de nos jours et qui, selon le mot