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PORT-ROYAL.

par ces régions basses transmises dans le péché, et remonte de là à la cime de l’âme ; de sorte que, dans le péché d’Adam, c’est la volonté qui a déterminé le désir, et que, dans celui de ses descendants, c’est le désir qui détermine la volonté. »

On conçoit maintenant comment Jansénius, Saint-Cyran et les leurs, attachaient, avec saint Augustin, tant d’importance à cette question de la peine des enfants morts sans baptême, question malencontreuse dans sa forme, capitale quant au fond, qui comprenait en effet toute la théorie du mal originel et en dépendait. On conçoit comment ils soutenaient d’autres propositions très scandaleuses au sens commun et à l’optimisme modéré des Chrétiens ordinaires ; celle-ci, par exemple, que toutes les œuvres des Infidèles sont des péchés, et que les prétendues vertus des philosophes sont des vices. Au seizième siècle, dans les Bulles des papes Pie V et Grégoire XIII contre les opinions que Baïus prétendait dès lors renouveler de saint Augustin, plusieurs de ces propositions avaient été condamnées, et notamment celle-là même sur les œuvres des Infidèles et des philosophes païens. Elle est pourtant expressément de saint Augustin et tient à toute la racine de sa théologie. Aussi, lorsque Jansénius en vient à la discuter et à rappeler qu’elle est la vingt-cinquième proposition condamnée dans la Bulle, il avoue qu’il est dans l’embarras : « Quapropter ingenue fateor mihi hîc aquam hœrere, nec aliud impraesentiarum occurrere quod respondeam, nisi id, etc. … « Et il cherche à montrer que le Saint-Siège n’a pu blâmer cette proposition que comme intempestive et offensive pour quelques-uns, et non pas comme hérétique et fausse : « Car qui voudroit croire, s’écrie-t-il, que le Siège Apostolique, qui a tant de fois approuvé et qui s’est approprié la doctrine de saint Augustin, soit venu à condamner