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LIVRE DEUXIÈME.

plus (Innocent, Zozime, Boniface, Sixte, Célestin, Léon, Gélase, Hormisdas, Jean II), qui tous ont déclaré catholique cette doctrine. »[1] Enfin, après avoir bien exposé et comme étalé l’embarras, il ne trouve d’autre explication, comme tout à l’heure, que d’admettre que la censure de Baïus, sur ces points-là, a été une pure censure de précaution et de prudence, ce qui aurait sa justesse ; mais il ajoute malicieusement : « Que ceux à qui cette solution ne suffit pas en cherchent une autre, en se souvenant bien toutefois que l’autorité des plus récents Pontifes ne doit se couvrir et se défendre qu’à condition de ne pas blesser, ce qui seroit pire, celle des Pontifes anciens et plus nombreux. » Il aime, on le sent, à retourner le glaive. On pourrait, au reste, appeler cela de l’emportement aussi bien que du calcul, et n’y voir pas moins de maladresse que de ruse.

Le dernier grand traité ou tome de l’Augustinus roule sur la Grâce du Christ Sauveur ; après la description de la maladie, c’est tout le détail du remède. Cette troisième partie, la plus grosse des trois qui composent l’ouvrage, contient elle-même dix livres ; toutes les espèces de grâce y sont discutées ; les subtilités des Thomistes y sont réfutées ou réduites à leur sens ; mais, pour cela Jansénius doit les aborder en détail, les épuiser jusqu’à satiété, y tremper, à vrai dire, par tous les pores. Nous nous garderons de le suivre d’un seul pas à travers ces classifications et ces analyses de la matière

  1. Le Père Du Chesne, jésuite, dans son Histoire du Baïanisme (livre IV), dit de Jansénius à ce propos : « Il oppose le Saint-Siège au Saint-Siège, celui da cinquième et du sixième siècle à celui du seizième, neuf souverains Pontifes à Pie V et à Grégoire XIII ; quoique ces neuf n’aient pas dit un mot sur cette proposition, ni rien avancé qui puisse lui être favorable, il ne laisse pas de faire parade de leurs noms ; il y a bien de l’insolence, pour ne rien dira de plus, dans cette réponse. » Ce qu’il y a de part et d’autre, je laisse aux érudits en histoire ecclésiastique l’honneur de le régler.