Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
187
LIVRE DEUXIÈME.

plimenter à Port-Royal, madame de Longueville, qui y parut comme les autres, bien que séparée encore de sa conversion par toute la Fronde, M. de Chavigny, M. Bignon, M. d’Andilly lui-même, les uns par idée de déférence, les autres par idée d’éclat, y penchaient et conseillaient l’entreprise : « Oui, il fallait, s’écriait-on, il fallait aller à Rome défendre hautement la vérité ; on en reviendrait glorieux, et après cela les ennemis n’auraient plus rien à dire. » Nous avons eu de nos jours comme un écho de ces paroles ; nous avons vu se tenter une pareille expédition pour Rome : on sait à quel bruyant naufrage elle a abouti. — L’ordre de départ accordait une semaine pour se préparer ; Arnauld, malgré tout, allait se mettre en route, avec un cortège de docteurs ; mais M. de Barcos, qui, à titre d’auteur de la phrase malencontreuse, se trouvait son coaccusé et devait être du voyage, M. de Barcos, plus avisé à la fois et moins curieux de l’éclat, averti d’ailleurs, assure positivement Lancelot, de desseins très suspects contre eux, lui fit dire au dernier moment qu’il le priait d’agir, ainsi que les amis et auxiliaires, à leur convenance ; que pour lui, il avait pris d’autres mesures, et là-dessus il s’absenta.[1]Arnauld crut alors prudent de l’imiter ; il se déroba aussi par la retraite, non sans avoir écrit une belle lettre d’excuses à la Reine, et il trouva successivement refuge chez plusieurs amis, à couvert, disait-il, sous l’ombre des ailes de Dieu.[2]

Ainsi commença pour lui cette vie de labeur et de combat dans la fuite, dans la persécution, cette guerre

  1. C’est chez la princesse de Guemené que se cacha M. de Barcos.
  2. C’est particulièrement chez M. Hamelin, contrôleur des Ponts et Chaussées, qu’il demeura durant ces années. Ce digne hôte quitta exprès son quartier trop en vue et prit maison au faubourg Saint-Marceau, afin d’y garder plus sûrement son trésor.