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LIVRE DEUXIÈME.

de leur frère, ce que je ne mérite pas, mais d’un de leurs serviteurs…

«J’aurois fait de vive voix cette humble prière à la Révérende Mère Abbesse, et avec sa permission à toutes les Religieuses ses filles ; mais, ayant peur que les larmes n’étouffassent la voix dans ma bouche, ou que la révérence que je leur porte ne me rendit confus et interdit, j’ai cru que je devois plutôt leur faire cette supplication par ces lignes, afin que la considérant avec plus d’attention, la voyant écrite, elles en conçoivent une plus ardente ferveur pour celui qui, comme un mendiant et un pauvre chien, se tiendra trop heureux, si Dieu daigne seulement le repaître des miettes qui tombent de sa table sacrée où, il les nourrit, et le faire participer à l’esprit d’humilité, de pauvreté et d’obéissance qu’elles ont reçu de sa sainte grâce avec tant de plénitude ; et ce que je fais pour moi, je le fais aussi pour mon cher frère de Séricourt.»[1]

C’est assez marquer, sans radoucir, un côté étonnant et plus propre au scandale qu’à l’attrait ; j’ai grandement hâte d’atteindre à M. d’Andilly pour corriger l’effroi du voisinage de ces hôtes à qui suffirait à peine la caverne de Jérôme, et qu’on entend de loin comme rugis-

  1. Supplément au Nécrologe de Port-Royal, in-4o, 1735, p. 1. — Les Religieuses de Port-Royal répondirent à ce profond et absolu dévouement de M. Le Maître par une affection non moins fidèle et non moins profonde. Je lis dans les Mémoires de M. Feydeau ce passage qui le concerne : « Ce fut en ce temps-là qu’on fit à Port-Royal cette grande perte du grand M. Le Maître. Sa mort arriva le 4 novembre, fête de saint Charles, en 1657 (sic, il se trompe d’une année). J’assistai à son enterrement avec M. de La Porte qui êtoit venu à Mérentais. Nous dînâmes ensuite avec M. Arnauld, M. Singlin, M. le duc de Luines et M. d’Andilly : et il me sembloit que j’étois plus touché de cette mort qu’eux tous, mais non pas plus que les Religieuses qui ne purent pas l’enterrer sur-le-champ, fondant en larmes. Elles l’enterrèrent sur le soir. Nous nous en étions déjà retournés à Mérentais. » (On ne s’explique pas bien comment M. Feydeau, dans ses Mémoires exacts et circonstanciés, place cette mort en 1657, quand elle est notoirement de 1658 : mais il écrivait de mémoire et vingt ans après.)