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PORT-ROYAL.

sants.[1] Le 23 octobre 1643, c’est-à-dire une douzaine de jours après la mort de M. de Saint-Cyran, M. d’Andilly écrivait à son fils favori, M. de Briotte (depuis M. de Pomponne), que sa résolution de retraite était irrévocablement prise, et qu’il n’avait besoin que d’environ une année pour l’exécuter. Dès le commencement de 1644, il était venu à l’abbaye des Champs faire un premier essai de solitude, et il avait déclaré à ses neveux Le Maître, à son fils Luzanci, en les quittant, qu’il ne sortait d’auprès d’eux que pour aller mettre ordre à ses affaires et tout disposer à un retour définitif. Il s’était fait, à l’avance, préparer dans le monastère délabré une chambre qui l’attendait. Mais M. d’Andilly a beaucoup d’affaires et surtout beaucoup d’amis ; les adieux avec lui sont un peu longs, et nous avons bien deux ans à le désirer encore.

Cependant les pieuses figures se succèdent. Un digne évêque, monseigneur de Bazas, qui de son nom était Litolfi Maroni de Suzarre, d’une ancienne famille de Mantoue,[2] touché par la lecture (toujours) du livre de la Fréquente Communion, dont il était un des prélats approbateurs, vint faire une retraite à Port-Royal des Champs, où il n’y avait encore que cinq ou six personnes. Il voulait tout remettre entre les mains de M. Singlin, évêché et abbayes ; on dut le contraindre à garder son fardeau. En attendant, nous dit Fontaine, « cet Évêque pénitent s’étoit dégradé en quelque sorte lui-même ; il s’étoit ôté la croix qui étoit la marque de sa dignité, pour se l’imprimer plus profondément au dedans. » Forcé,

  1. Rugiebam. Psaume XXXVII, 9.
  2. Les Maroni avaient la prétention de descendre du poète Virgile Maron. Le père du prélat était venu en France, sous Henri III, à la tête d’une compagnie de gendarmes qu’envoyait le duc de Mantoue.