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PORT-ROYAL

parlement et ces scapulaires tranchés que nous savons, se voit d’ici : c’est une vraie scène de la Fronde.

Comme pourtant il ne convenait pas de laisser une maison de prière sans personne pour louer Dieu, quelques-unes des sœurs plus anciennes étaient demeurées au faubourg sous la mère Marie des Anges, cette admirable abbesse, revenue tout récemment de Maubuisson.[1] M Singlin y logeait lui-même le plus habituellement, et suffisait avec un zèle infatigable à ces trois maisons du faubourg, de la ville et des Champs, allant à cheval de l’une à l’autre. Un peu d’ordre revint en mars, et le troupeau de la ville rentra au faubourg.

Dans l’intervalle des deux guerres, les ennemis de Port-Royal, toujours à l’affût, obtinrent pour un moment l’interdit de M. Singlin qui avait prêché au monastère de Paris le 28 août 1649, jour de Saint-Augustin. Ce sermon ou panégyrique, auquel avaient assisté avec édification cinq évêques (on l’a dit ailleurs), le Père de Gondi de l’Oratoire, le maréchal de Schomberg, le duc de Liancourt et autres personnes de marque, fut dénoncé à l’archevêque, alors absent, qui céda. Averti, redressé en meilleur sens, il releva bientôt M. Singlin de cet interdit, et voulut même assister à son sermon du premier de l’an 1650, le comblant hautement de caresses et de témoignages. Un autre prédicateur célèbre, le Père Des Mares, interdit depuis le commencement de l’année 1648 sur le soupçon aussi de Jansénisme, fut moins favorisé, et ne put remonter en chaire qu’après vingt ans.[2] Quoi qu’il en soit, à ce moment d’existence,

  1. Voir au tome I, p. 187 et 205, livre I, chap. VIII.
  2. « Le Père Des Mares ayant prêché le jour de la Purification (2 février 1648) à Saint-Merry que Notre-Seigneur avoit donné un nouveau commandement à ses disciples de s’aimer l’un l’autre, il dit : « Voilà quelque chose de nouveau que ce commandement ; mais si ce sont là les nouveautés qu’on m’accuse de prêcher,