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LIVRE DEUXIÈME.

lisait aussi l’admirable petit traité de la Mortalité de saint Cyprien, que M. Le Maître avait traduit à son intention. Comme cet ouvrage tardait à venir, elle disait que, pour peu qu’on retardât encore, on ne lui enverrait sa préparation qu’après l’accomplissement. Le soir même où elle le reçut, elle le lut trois fois. Elle mourut peu après, d’une suite de couches, le 13 septembre 1651, proférant avec ardeur des versets tirés de saint Augustin, particulièrement celui-ci : Oh éternellement aimer ! Oh ne jamais mourir ! Oh toujours vivre ! Elle n’avait que vingt-sept ans. M. Singlin ne la quitta point dans sa maladie. Son corps fut porté à Port-Royal selon son désir, et inhumé dans le chœur. Les deux enfants jumeaux, dont la naissance avait causé sa mort, moururent eux-mêmes un mois après leur mère, et furent ensevelis dans la même tombe. Comme M. et madame de Luines avaient fait dessein d’imiter dorénavant, dans un pur et spirituel hyménée, saint Paulin et Thérasie, ils en avaient donné les noms à ces deux jumeaux (Félix-Paul et Thérèse). On trouva dans les papiers de la défunte nombre de pensées édifiantes et de règles ingénieuses pour pratiquer la vertu chrétienne au sein et comme à l’insu du monde. Madame de Luines fut la première de ces illustres dames, telles que madame de Liancourt, madame de Longueville, mademoiselle de Vertus, qui vécurent et moururent dans la perfection d’une pratique patiente et sérieuse, selon l’entier esprit de Port-Royal ; car nous ne comptons pas pour beaucoup ces deux ou trois variables et légères que nous avons jusqu’ici rencontrées.

Dernière couronne de cette sainte duchesse, et non la moins belle ! elle est la mère du vertueux duc de Chevreuse, de cet élève de Port-Royal, qui passa depuis à Fénelon.[1]

  1. Elle est la mère aussi de ces deux dames de Luines, toutes