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PORT-ROYAL

M. Du Chesne, lequel était très-savant, nous dit-on, dans toutes les curiosités de la nature. Le duc avait reçu de lui une excellente et forte éducation ; et c’était sans doute par son conseil qu’il avait traduit en français les Méditations de Descartes. Cette traduction, revue et corrigée par Descartes lui-même, et qui est celle qu’on lit encore, avait paru en 1647. M. le duc de Luines avait un très-beau génie pour la traduction, dit naïvement Racine ; il employa ce génie à Port-Royal. On a, sous le nom du sieur de Laval, plusieurs traités de piété traduits des Pères.[1] Ce sont des pièces dont quelques-unes peuvent bien être de M. Le Maître, mais dont la plupart, dues certainement à M. de Luines, ont un rapport touchant avec sa propre situation : des lettres, par exemple, de saint Paulin et de sa femme Thérasie à saint Apre et à Amande, deux époux qui vivent ensemble comme frère et sœur en Jésus-Christ ; la lettre de saint Paulin à saint Pammaque pour le consoler de la mort de sa femme Pauline ; la lettre de saint Fulgence à Théodore sénateur sur l’enseignement des Grands ; l’enseignement du pape saint Grégoire le Grand aux personnes mariées. Dans la consolation de saint Paulin à saint Pammaque il est dit : «Je veux bien que la piété pleure quelque temps, mais je veux que la foi se réjouisse toujours… ; car il est écrit : L’amertume de l’affliction ne doit pas durer plus d’un jour[2] Consolez vous promptement, de peur de tomber dans l’excès de la tristesse ; car la tristesse conduit à la mort ; et la mort détruit toute notre force et notre vertu.»[3] Le duc de Luines fut trop empressé de s’appliquer ces sages paroles qu’il avait

  1. Divers Ouvrages de piété, tirés de saint Cyprien, saint Basile, saint Jérôme… (in-8°, 1664). Je n’énumère pas les autres traductions attribuées à M. de Luines.
  2. Saint Matthieu, ch. VI, 34.
  3. Ecclésiastique, chap. XXXYIII, 17 et 18.