Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/347

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
337
LIVRE DEUXIÈME.

On a vu la seule tache, la seule faute apparente (et encore surtout une faute de goût), qui se découvre chez l’homme le plus droit, le plus pur, le plus irrépréhensible. Successeur de M. Singlin, s’il est, dans le début, inférieur à celui-ci, qu’il surpasse d’ailleurs en science et même en égalité fixe de caractère, c’est parce seul endroit où l’on ne reconnaît plus le directeur. J’ai hâte de revenir à ses mérites essentiels, continuels, et que je n’ai pas encore assez marqués.

M. de Saci, selon le témoignage de tous ceux qui l’ont connu, avait retranché de ses études et de sa vie tout ce qui ne regardait pas la piété ; il était même bien aise d’ignorer certains points de la science de l’Église que d’autres pouvaient avoir intérêt à connaître, et il en tirait occasion, lui, de se taire lorsqu’on en parlait.[1] Il fuyait les matières de controverse et de critique, les nouvelles des affaires du monde, et prenait pour devise ces paroles : Ut non loquatur os meum opera hominum. Mais par le seul endroit auquel il s’enracinait, la lecture et la méditation de l’Écriture, il retrouvait avec surcroît tout le reste, et s’étonnait qu’on fît tant de cas de résultats humains auxquels le Chrétien arrive tout simplement par la seule source sacrée. On a une foule de jolies paroles de lui, dans ce sens de sagesse et de sobriété. Quand je

    fond, mais franchement détestable. Je ne sais pas distinguer, je l’avoue, entre les différentes poésies de M. de Saci, et je n’y vois qu’une seule et même erreur. Tout son mauvais goût de jeunesse y a passé. — Parlant un jour de la réserve charitable qu’il fallait mettre dans les critiques littéraires, et de l’humilité qui devait plutôt porter à louer : « J’ai toujours estimé tout, disait-il jusqu’au poème de la Pucelle. Il avait pour cela moins de violence à se faire qu’il ne croyait. (Voir, si l’on veut, au livre VI, chap. X, un léger correctif à ce jugement sur les vers de M. de Saci.)

  1. Au tome I, p. 58, de ses Lettres spirituelles, on lit : « J’ai des livres pleins de questions semblables sur l’Écriture, que je ferois conscience d’ouvrir s’il n’y avoit quelque nécessité qui m’y obligeat. Il faut laisser aux Docteurs à s’informer de ces choses »