bonheur. Quel rayon pour M. de Saci en sa Bastille que l’apparition soudaine de ces trois amis sous le dais, à travers les branches d’or du Saint-Sacrement, de ce Saint-Sacrement dont il était sevré comme indigne, et duquel il disait que la source de la vie était là, qu’il y fallait tendre et s’y préparer sans aucune cesse comme à l’unique bien ! — Oh Pensée ! bonheur ou malheur, tout n’est qu’en toi !
Fontaine, en ces mêmes pages, parlant de M. de Saint-Gilles, et pour montrer que ses rudes mortifications n’ôtaient rien à son affabilité et à sa joie, « Puis-je oublier, nous dit-il, qu’un jour de Saint-Antoine, se trouvant avec six autres Messieurs qui portoient ce nom comme lui, M. Singlin, M. de Rebours, M. Arnauld, M. Le Maître, et deux autres que j’ai oubliés, après un repas frugal, il alla se promener avec eux, prit sa flûte d’Allemagne qu’il touchoit admirablement bien, et joua d’un son si perçant les Cantiques sacrés que ces saintes religieuses disoient à l’adoration, que tout le monde dedans et dehors étoit enlevé ! » — M. de Saci, dans le cours de sa vie si uniforme, a eu plus d’un accord pénétrant de cette flûte céleste.
L’excellent Fontaine se surpasse à nous exprimer cette admirable uniformité des jours de M. de Saci en tout temps, et surtout en cette Bastille où elle s’encadrait mieux. Mais je préfère encore à ses Mémoires dés lettres de lui, moins connues, et adressées la plupart à M. Hamon, dans ces années mêmes :
«Je n’avois garde de m’aviser de vous parler de M. l’Abbé, car il n’y a rien de plus uniforme que son état ; et, si vous avez jamais su comment il passoit une journée, vous savez comment il passe toute sa vie. Elle est toute dans la prière et la lecture ; il va de l’une à l’autre depuis le commencement du jour jusqu’à la fin, sans que, dans cet exercice tout intérieur et tout spirituel, il y ait rien de mort et de lan-