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PORT-ROYAL

de sa prison, et pria même Fontaine de contribuer à étouffer tout cela : « N’imitons point, lui disait-il, ceux qui reviennent d’un grand voyage, et qui ne savent plus ensuite que parler à tout le monde de ce qu’ils ont vu. » L’expansif Fontaine obéit de son mieux, et prit, nous dit-il, la résolution qu’il a gardée depuis, de se faire à lui-même, par la retraite intérieure, une sorte de Bastille pour le reste de ses jours.

M. de Saci passa les quinze années qui lui restaient de vie, soit à Pomponne, soit à Port-Royal des Champs, soit à Paris, tout occupé de la direction des consciences, de l’impression de sa Bible, et des Éclaircissements qu’il y ajoutait. La charge des âmes au désert, jusqu’à la nouvelle persécution de 1679, roula presque toute sur lui. Les plus illustres pénitents vivaient de ses conseils ; la plupart mouraient entre ses mains. Les nouveaux Messieurs, qui venaient encore s’agréger à ce Port-Royal si battu (M. Le Tourneux par exemple), y venaient par M. de Saci. Il était la porte d’entrée de ceux du dehors, le foyer et la lampe du dedans.

Mais, sur les ordres de l’archevêque, alors M. de Harlay, M. de Saci dut quitter Port-Royal des Champs le 12 juin 1679, et il se retira décidément à Pomponne. Séparé des religieuses dont il était le père et comme le dernier Saint-Cyran, il ne communiqua plus avec elles que par lettres, et aussi par cette publication excellente des Éclaircissements de la Bible, auxquels il consacra ce qui lui restait de vie. De temps en temps, un nouveau volume traduit, avec explication, sortait de cette retraite de Pomponne, et, en le lisant, on avait tout M. de Saci.

Cet immense travail sur la Bible, ces explications qu’il poussa très-avant, et cette traduction complète qui avait précédé, c’est là le grand et spécial monument de M. de Saci, à titre d’écrivain, et comme la mission sin-