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LIVRE DEUXIÈME

de peur de porter ombrage.[1] Mais une fois arrivé au terme, au vallon du sépulcre, on entre dans tout un ensemble de scènes funèbres d’une suprême beauté.

  1. La duchesse de Lesdiguières, qui était sous la conduite de M. de Saci, avait préparé une suite de deux cents personnes avec des flambeaux pour recevoir le corps à l’entrée de Paris Porte Saint-Antoine ; mais, toute réflexion faite, on crut qu’il était plus sage d éviter l’éclat. Guilbert, en désaccord avec Fontaine paraît supposer que la cérémonie du cortège eut lieu. — Voici pour ceux qui aiment en tout la dernière précision, les circonstances exactes telles que je les relève dans le Journal manuscrit de Port-Royal M. de Saci était mort le mardi 4 janvier, entre six et sept heures du soir. Le corps avait été porté le lendemain à l’église de la paroisse de Pomponne, et y était resté en dépôt jusqu’au samedi. Ce jour-là, 8 janvier, on se mit en route pour Paris, où le corps devait être déposé la nuit en l’église de Saint-Jacques-du-Haut-Pas pour être conduit le lendemain à Port-Royal. M. et madame de Pomponne, avec M. de Luzanci, accompagnaient ce premier convoi. L’archevêque, M. de Harlay, à qui l’on avait demandé permission pour ce transport et cette station à la paroisse Saint-Jacques n’en avait fait aucune difficulté. Toutefois un mot du prélat en réponse à une lettre de remercîment trop vive que lui adressa à ce sujet le curé de Saint-Jacques, donna l’alarme. Madame de Fontpertuis, dont le zèle allait vite à l’inquiétude, craignit pour le lendemain quelque obstacle et un contre-ordre, de sorte qu’après le service solennel célébré à l’église Saint-Jacques, les amis en ayant délibéré, on conclut que le plus sûr était de partir à l’instant même. Le curé de Saint-Jacques approuva cet avis, et, suivi de tous les ecclésiastiques de sa paroisse, il accompagna le corps avec des luminaires jusqu’au carrosse. Le curé de Pomponne y monta, ainsi que le chapelain de Pomponne ; et dans l’autre carrosse il y avait M. Du Fosse, M. de Bosroger son frère, madame de Fontpertuis, madame de Bosroger et mademoiselle Le Maître, ces deux dernières, nièces de M. de Saci. Il était onze heures du soir quand on partit ; les chemins étaient couverts de neige ; les voitures étaient escortées d’hommes à cheval portant des flambeaux. On arriva (le lendemain dimanche 9 janvier) sur les cinq heures du matin, au grand étonnement des religieuses qui n’attendaient le convoi funèbre que pour le soir. — On sut, depuis, que l’archevêque n’avait eu aucun dessein de s’opposer à ce qui s’était fait, mais seulement qu’il aurait désiré qu’on ne fît point de sa permission tacite une autorisation expresse et que tout se fût passé comme s’il y était étranger.