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LIVRE TROISIÈME.

C’était donc vers la fin de 1654 ou au commencement de 1655. Pascal venait de se convertir une seconde fois, et cette fois était la bonne et définitive. Sa sœur, malgré lui d’abord, malgré les obstacles qu’il élevait, avait fait profession à Port-Royal dans le printemps de 1653. Lui, après bien des luttes, et surtout après l’accident récent où il avait vu le doigt de Dieu, s’était venu jeter entre les bras de M. Singlin, résolu d’obéir à tout ce qui lui serait ordonné. M. Singlin, selon sa méthode, avait hésité assez de temps avant de le recevoir. Un jour, pendant un voyage du directeur à Port-Royal des Champs, Pascal avait pensé à l’y rejoindre, à l’y relancer secrètement, comptant toutefois laisser ses gens à quelque village voisin et changer lui-même de nom, tant il avait souci de l’apparence. M. Singlin, qui sut son projet, lui signifia de n’en rien faire ; mais, de retour à Paris, il l’avait reçu à merci comme pénitent. C’est seulement alors, dit Fontaine, que, tenant devant lui ce grand génie, il jugea à propos de l’envoyer à Port-Royal des Champs comme en un lieu de gymnastique et de diète, où M. Arnauld lui pretérait le collet pour les sciences humaines, et où M. de Saci lui apprendrait à les mépriser. M. de Saci, de son côté, se serait dispensé volontiers de voir M. Pascal ; mais il ne le put, en étant prié par M. Singlin. «Les lumières saintes, qu’il trouvoit dans l’Écriture et dans les Pères, lui firent espérer qu’il ne seroit point ébloui de tout ce brillant, qui charmoit néanmoins et enlevoit tout le monde.»

M. Singlin, avec le nouveau converti, avait suivi sa

    désirer, tous les éléments d’une connaissance intime et de première main. — Ceux qui, depuis que cette note est écrite, ont fait ou prétendu faire de si grandes découvertes sur Pascal et sa sœur, et toujours d’après les manuscrits, et en s’en donnant tous les honneurs, ont beaucoup compté (et ils ont eu raison) sur le peu de connaissance du public en ces matières et sur l’inattention de nos soi-disant juges, messieurs les critiques, qui sont plus nombreux et font cependant plus défaut en ce temps-ci qu’en aucun autre.