profession ; il n’a d’autre métier, n’approfondissant rien de trop particulier, de peur de se perdre, de s’expatrier hors de cette profession humaine et générale. Il n’a pas seulement en lui, nous dit-il, de quoi examiner, pour la science, un enfant des classes moyennes à sa première leçon ; mais, en deux ou trois questions, de mesurer et de tâter à nu la qualité du jeune esprit, voilà ce qu’il peut faire. Ainsi il vit, actif et dégagé, faisant des pointes perçantes dans chaque chose, et rentrant à tout moment dans une sorte d’oubli, dans l’état naturel et libre des facultés, pour se retremper à la source même : homme avant tout, et après tout.
L’âge lui a amené des changements, mais graduels, mais selon l’âge. En fait de goût et de lectures, il a passé d’Ovide à Lucain, de Lucain à Virgile, c’est-à-dire, du premier abandon égayé de l’errance à une certaine élévation plus enflée et plus stoïque, qui s’est bientôt rabattue elle-même à plus de juste douceur. Ainsi, par rapport à l’argent, d’abord il fut prodigue, dépensier et vivant un peu à l’aide de ses amis ; et puis, en un second temps, il a de l’argent, et le soigne, le serre un peu trop ; et puis, après quelques années, un bon démon le tire de cette vie sottement resserrée, et le détend dans une juste mesure, en une sorte de tierce vie plus plaisante et mieux réglée : « C’est que je foys courir ma despense quand et quand ma recepte ; tantost l’une devance, tantost l’aultre, mais c’est de peu qu’elles s’abandonnent. » Ce sont les trois temps correspondants d’Ovide, de Lucain et de Virgile.
Il s’est marié à trente-trois ans, cédant un peu à la coutume ; il est devenu père ; il a rempli fort convenablement ses devoirs nouveaux, tout déréglé qu’on l’avait pu croire ; il les a tenus mieux qu’il n’avait espéré ni promis. Il vieillit, menant ainsi chaque chose en sa saison ; et parlant de la vie : « J’en ai veu