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LIVRE TROISIÈME.

garder des contrefaçons. Il a lui-même expliqué dans un petit Avis adressé à l’ami lecteur (1649), avec beaucoup d’agrément, de vivacité, et d’un style qui n’a que quelques mots surannés (souventes fois, fors), toute la succession de ses desseins et de ses tâtonnements à ce sujet : cela l’occupa au moins deux ans.

La première idée de cette machine lui était venue à l’occasion des grands calculs qu’il eut à faire, pour soulager son père dans l’intendance de Normandie où on l’avait appelé. Depuis, en effet, que M. Pascal s’était retiré à Paris, un grand événement avait dérangé sa situation. En mars 1638, il se trouvait chez le chancelier Seguier, au moment où des personnes mécontentes d’un retranchement de rentes sur l’Hôtel-de-Ville vinrent se plaindre un peu trop vivement :

……Plus pâle qu’un rentier
A l’aspect d’un Arrêt qui retranche un quartier.

Lui-même était intéressé dans ce retranchement, et fut soupçonné de ne pas s’être rencontré sans dessein en cette petite émeute[1]. Le cardinal de Richelieu donna ordre d’arrêter et de mettre à la Bastille les principaux plaignants qu’on lui nomma ; M. Pascal, désigné, n’échappa qu’en se tenant longtemps caché.

Cependant il avait sa seconde fille, Jacqueline, moins âgée de deux ans que Blaise, et qui, dès l’enfance, annonçait un remarquable talent de versification. La sœur aînée (qui fut madame Périer) était chargée de la faire lire ; l’écolière, qui avait sept ans, s’y prêtait d’ordinaire

  1. « Il se dit ce jour-là des paroles, et même on y fit quelques actions un peu violentes. » (Vie de la sœur Sainte-Euphémie, par madame Périer.) — « Lui (M. Pascal) et un nommé de Bourges, avec un avocat au Conseil…, firent bien du bruit, et, à la tête de quatre cents rentiers comme eux, ils firent grand’peur au garde des sceaux Seguier… » (Tallemant des Réaux.)